Qu’est-ce qu’une journée réussie ?

Voilà une question toute simple mais qui provoque la réflexion.

Le mensuel « Philosophie Magazine » l’a bien cernée.

Horace, l’auteur du fameux Carpe Diem (« cueille le jour » d’où : savoure le jour présent) comparait sa vie à un marathon et, comme un autre poète avant lui – Lucrèce – il fulminait déjà contre cette vie d’enfer, cette course au pouvoir et à l’argent, toujours pressé, jamais satisfait. Sénèque s’interrogeait quant à lui sur la valeur d’une journée et s’inquiétait de savoir si elle avait, chaque jour, eu du sens. Pour lui, l’idéal est d’organiser toutes ses journées à l’instar d’une vie : la matinée comme une enfance pleine de joie, de découvertes et d’apprentissages, l’après- midi comme une plage d’activités sérieuses et productives, le soir comme une mé- ditation sur notre mortalité et une préparation au sommeil, la vie tout entière ne l’effraie plus … Avec le Christianisme, la journée devra être ponctuée de contacts avec le Créateur (temps liturgiques) et les autres fidèles : la prière ryth- mera les journées ; avec la Renaissance, il faut « maximiser » la journée en la dé- coupant en périodes bien précises et en ne perdant plus de temps : en lavant l’élè- ve, on lui lit quelques pages de la Bible qu’il répètera ensuite en allant aux toilet- tes ! On accroît le profit de chaque moment, on élimine les temps morts et surtout, on remplit bien les journées: studieuses et joyeuses.

En se libérant du temps liturgique, l’homme moderne s’enfonce encore plus bruta- lement sous la tyrannie des horaires, de la ponctualité et des tâches minutées : le capitalisme coûte ! Rousseau critiquera les nouvelles servitudes qu’impliquent les progrès techniques, Voltaire comparera Dieu à un horloger. Et l’homme, lui, créera le chronomètre qu’il déclenchera !

Respect des horaires, planification, productivité, discipline. Et partout : de l’école à la caserne, de l’usine à l’administration, les journées sont devenues trop courtes pour tout faire, ce « quotidien jetable, abîmé par toutes les exigences imposées » nous échappe.

Mais comment réussir sa journée aujourd’hui ?

En atteignant une parfaite satisfaction dans sa vie professionnelle, où cette dernière devient un prolongement de soi, la seule réalisation idéale ? En ayant échappé à tous les imprévus et à toutes les inquiétudes liées à ceux-ci? Lorsque l’on a aidé ou fait du bien autour de nous, quitte à s’être oublié soi- même ?

Ou quand on s’évade de sa prison mentale, familiale ou professionnelle et que l’on s’est « évadé » d’une manière ou d’une autre ? Ou encore lorsque l’on a vécu une journée héroïque, historique ou intense, pleine d’émotions et de satisfactions per- sonnelles ?

Stop ! Prenez maintenant une minute de réflexion et répondez-y personnellement.

Pour ma part, je m’interroge aussi. La quantité de temps est la même pour chacun : 24 heures par jour, pas une minute de plus ! Le contenu diffère : là, il nous incom- be de l’organiser à bon escient, pas avec les « bonnes priorités » mais avec les « meilleures priorités ».

Mais qu’en est-il vraiment de la qualité ?

En fait, devons-nous la qualifier aussi de « réussie », comme le rédacteur, c’est à dire en l’évaluant en terme de « réussite », que l’on peut trop vite assimiler à « succès » ? Devons-nous toujours évaluer tout avec un critère de « réussite » ou plutôt viser la « qualité », quelle que soit la journée que nous avons vécue (ou subie) ?

Ne devrions-nous pas plutôt parler de contentement ; de joie profonde, intérieure, intime, de satisfaction, quelle qu’ait été notre journée (bonne ou rude, bien chargée ou glandée, pleine de rires ou de larmes, parfaite ou infernale,…) ?

J’aimerais vous laisser les paroles d’un homme qui, même durant les plus sombres heures de sa vie ou les moments les plus insignifiants dans une cellule vide, pou- vait écrire :

« Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur ; je le répète, réjouissez-vous (…) … j’ai appris à me contenter de l’état où je me trouve. Je sais vivre dans l’humilia- tion, et je sais vivre dans l’abondance. En tout et partout, j’ai appris à être rassasié et à avoir faim, à être dans l’abondance et à être dans la disette. Je puis tout par celui qui me fortifie. » (Phil 4 : 4, 11-13)

Carpe Diem en Sa présence, en toutes occasions !

Votre Pasteur proposant

David REMY