Quatrième dimanche de l’Avent

Esaïe 7, 10 à 16
Romains 1, 1 à 7
Philippiens 4, 4 à 7

Avez-vous déjà remarqué avec quel culot l’on peut faire fi des mises en garde ou des informations qui nous sont données ?

Cette semaine, les poids lourds ont été interdits de circulation dans certaines provinces belges car les prévisions météorologiques étaient défavorables. Malgré cela, il s’en est trouvé quelques uns pour braver les éléments et n’en faire qu’à leur tête, parfois à leurs dépens !!!

Il en est de même dans le récit d’Esaïe !
Là, c’est une proposition divine qui est faite, et le roi répond au nom de ceux qu’il représente : Non !!!
Disons que Achaz met des gants : « Je ne demanderai rien, je ne provoquerai pas le Seigneur. »
Il faut dire qu’il avait ses raisons pour agir de la sorte.
Pour Achaz, c’est devenu un théorème, écrit le pasteur Alphonse Maillot (1) : « On ne doit plus tenter Dieu ; donc je ne le ferai pas ».

Tout d’abord, il eût mieux fait de se montrer toujours aussi attentif aux paroles de Dieu ; ensuite cette position maximaliste, légaliste, revient à refuser finalement toute prière ; enfin surtout c’est Dieu lui-même qui, par la bouche de son prophète, lui propose de lui donner (et probablement d’offrir aussi à tout le peuple) un Signe (c’est le mot qui correspondra aux signes-miracles de Jésus dans le Nouveau Testament) pour le rassurer.

On reproche à Dieu de ne pas donner quand on lui demande, et d’offrir quand on ne lui demande rien.
Dieu sait « de quoi nous sommes faits », et il ne refuse pas, surtout quand il en a l’initiative, de nous offrir, ici ou là, quelques « signes » paternels, même si nous ne pouvons jamais les transformer en preuves.

Esaïe proposait cependant un Signe très… « significatif » (il y a jeu de mots probable entre « demander » et « Scheôl ») : Dieu est prêt à accorder un signe, soit surgi des enfers, soit descendant des hauteurs et montrant que la coalition (des v. 1-2) va échouer (v. 11).

Achaz refuse donc ; et c’est alors la diatribe de la part du prophète : « Vous implorez Dieu sans cesse et, quand il veut vous faire plaisir, vous l’envoyez promener ». C’est à peu de mots près la phrase que Jésus adresse aux disciples de Jean le Baptiste venu lui demander si il est bien celui qui est annoncé (cf. Matthieu 11/17-19); « alors il va quand même vous envoyer votre Signe, mais ce ne sera vraiment pas ce que vous auriez pu espérer ou attendre ».

Esaïe va en conséquence faire la promesse insolite d’un enfant inattendu, celui qu’on nommera : « Dieu-avec-nous » (v. 14).
Emmanuel sera un enfant inattendu, un enfant du miracle (!), un Enfant-Signe-que-Dieu-veut-être-parmi-et-avec-son-peuple, malgré ses rois déficients.

Il est clair que cet enfant, aussi inattendu qu’impossible, mais que Dieu envoie malgré tout, malgré nous, comme Signe-des-Signes de sa présence fidèle, éclaire les récits de Noël de Matthieu et Luc.
Le signe de Dieu nous le savons, est venu !
Mais comme à chaque fois, ce signe n’a eu qu’un effet limité dans le temps pour l’humain.
Je re – cite Maillot : « Vous implorez Dieu sans cesse et, quand il veut vous faire plaisir, vous l’envoyez promener ».

Pourtant Dieu ne baisse pas les bras, régulièrement il le rappelle à ceux qu’il a créés, par l’intermédiaire de différentes personnes.
Paul en est une.
Les mots utilisés, témoignent de l’importance du signe que lance Dieu.
Dans l’épître aux Romains, c’est une confession de foi, un témoignage, d’une qualité irréprochable.

Quel texte éblouissant. On le connaît par cœur, on ne comprend pas grand-chose aux enjeux. Mais voilà, nous sommes devant le texte, nous sommes, je dirais, portés par le flot issu de ce texte, ce flot de lectures, ce peuple de lectures que nous sommes. Avec l’apôtre Paul, on a toujours plaisir de lire un texte littéraire inouï, poétiquement inouï, philosophiquement inouï. (2)

Cette confession de foi correspond étrangement au projet de Paul dans cette épître : montrer comment Jésus-Christ « aimante » et explique l’histoire humaine.
En une phrase Paul réussit à parler :

  1. du Christ passé, déjà vivant en David et promis par les prophètes ;
  2. du Christ venu parmi les hommes et ressuscité ;
  3. du Christ qui, ensuite, envoie les apôtres pour que l’Evangile soit reçu par tous.

Ces trois temps qui sont la globalité de l’Evangile, ont une trame fondamentale : le Christ qui assure l’unité et la continuité de l’histoire du salut. Et maintenant dans toutes les nations il adresse vocation à des hommes pour qu’ils s’associent à l’Evangile puissance de salut. Cette association à l’Evangile, ce sera la foi.

On remarquera bien que, pour Paul, l’Evangile n’est pas simplement un message, encore moins un texte bloqué dans un livre, mais c’est le mouvement même du salut au travers de l’histoire.
Cette dynamique qui transperce le temps de l’Incarnation, nous permet de saisir que la lettre aux croyants de Rome parlera encore plus (sur le fond) de l’espérance que de la foi.

Si la foi est de discerner (et d’accepter d’y voir sa propre histoire) le plan de Dieu d’Adam au Christ en passant par Abraham, Moïse et David, l’espérance est de lire le présent avec le Christ pour lunette et de voir tout (création, Israël, Eglise, puissances diverses) converger vers la révélation des enfants de Dieu, et aussi de s’associer à ce mouvement du futur (3).
Car en effet, la révélation n’est pas figée, terminée ! Elle continue et continuera encore jusqu’au retour du Seigneur.

Dieu va encore donner un signe, le dernier, celui qui marquera la pleine existence du Royaume et l’avènement du roi des rois. Ce signe est proche écrit Paul aux Philippiens ! Soyons confiants et joyeux !

“De l’humour, en tout temps, à cause du Christ, je vous en prie, de l’humour”. “Et ne vous donnez pas en spectacle aux autres” (v. 5).

On ne peut pas se disputer quand Jésus est à la porte ! (4)

La vraie urgence est de l’attendre et de le servir, et non de se disputer pour ce qui, comparé à la proche venue du Christ, n’est nécessairement qu’une peccadille… Hélas, les peccadilles ont par la suite, et aujourd’hui encore, bien souvent empoisonné la vie des Eglises. Faute de joie et d’humour !

Et c’est ainsi que, faute d’humour, l’inquiétude a souvent gagné le coeur des chrétiens. Qui parmi nous ne s’inquiète pas aujourd’hui du sort de nos Eglises ? Voire de celui de notre monde ? Cf. Matthieu 6/25.

Il ne s’agit pas de tomber dans l’indifférence à l’égard de ce monde; mais au contraire, il s’agit de prier et prier encore (ce qui n’est guère facile à certains dont, hélas, je suis).

Alors la paix insondable de Dieu gagne nos coeurs et nous permet d’agir sans fébrilité, de souscrire à tout ce qui dans ce monde est “vrai, élevé, juste, propre, aimable et honorable”, voire même d’en pratiquer les vertus (s’il en existe une). Nous voici loin du “monde tout pourri et tout corrompu” qui est “cher” à tant de chrétiens qui y trouvent une justification pour ne pas agir. Le Seigneur vient bientôt !

Amen

(1) Alphonse Maillot, « Commentaire de Esaïe 7, 10 à 16. Source : http://www.cultes-protestants.org
(2) Olivier Abel, in « entretien avec Paul Ricoeur sur l’épître aux Romains », source : http://www.cultes-protestants.org
(3) Alphonse Maillot, commentaire sur Romains 1, 1 à 7. Source : http://www.cultes-protestants.org
(4) Alphonse Maillot, commentaire sur Philippiens 4, 4 à 7. Source : http:// www.cultes-protestants.org