Le temps du désir, 1er Avent 2011

Esaïe 63,16
1 Cor 1/3-9
Marc 13/33-37

Veillez ! Oui, je dis bien : veillez !
Nous sommes le matin d’une journée d’automne, cette saison qui prépare à l’hibernation, le renfermement sur soi, l’isolement, …
En ce qui concerne les disciples et Jésus, ils sont aussi dans l’automne de la vie du Maître. Ce dernier sait très bien que sa fin est proche et que les jours qui viennent conduiront au terme de sa vie.
Tous sont fatigués même si une tension s’installe chez certains.
Pour lutter contre le sommeil, même superficiel, Jésus exhorte à veiller !…
Mais veiller, ce n’est pas de tout repos !…

Quelle est l’épouse qui n’a pas veillé en attendant le retour de son mari ?
Quels sont les parents qui n’ont pas veillé avec angoisse, attendant le retour de l’adolescent, retour d’une rencontre avec des amis, du cinéma, du bal et j’en passe ?
Quel est le jeune qui n’a pas veillé, préoccupé qu’il est de son avenir : quel métier choisir, quel travail trouver ? Quelle compagne ou compagnon pour partager la vie ?
Comment rencontrer ce Dieu qui pourrait combler la vie ?
Combien de personnes veillent, alors qu’elles voudraient dormir ?
Veiller, nous savons ce que c’est. Mais l’évangéliste Marc nous prend à contre- pied. Les veilles que nous connaissons sont angoissées, tendues, difficiles à vivre et à supporter. Nous voudrions les supprimer.

Jésus nous dit : “Veillez !”. Pourquoi cette exhortation ?
Devrions-nous être dans un état d’insomnie permanent ? C’est impossible. Dieu, en créant l’être humain, a voulu qu’il ait besoin de dormir pour vivre ; il ne peut pas demander l’inverse par ailleurs.
Veillez, soyez dans un état d’attente.
L’homme a le souci de l’avenir. Les disciples du Christ ne font pas exception.
Que cet avenir porte ses espoirs ou ses craintes, toujours il éveille la curiosité.
Dans ce chapitre (Marc 13), l’évangéliste Marc rapporte les paroles de Jésus annonçant à ses disciples la destruction du Temple. Les disciples lui posent la question : “Quand cela arrivera-t-il et quel sera le signe de ton avènement et de la fin du monde ?” (Matthieu 24/3, Marc 13/4).

Le contexte de l’époque est depuis longtemps très tendu.
En l’an 175 avant J-C, le roi Antiochus IV Epiphane impose à ses colonies, dont Israël, la culture et la religion grecques. Il le fait par la force et la persécution.
Pour Israël, c’est la fin des privilèges dont il jouissait jusqu’à cette époque, le sabbat est interdit, et provocation plus grande encore, le Temple de Jérusalem est profané : la statue de Zeus y est installée. C’est « l’abomination de la désolation ». (Voir Marc 13, 14 et ss)
Ce sont les Romains qui à partir de 63 avant J-C dominent et occupent la région.
En 66 après J-C les juifs se révoltent. Mais en 70, la destruction du Temple et de la ville marquent la fin de tout espoir d’indépendance politique et religieuse pour Israël. Pour la seconde fois c’est « l’abomination de la désolation ».

C’est pendant cette période d’oppression que se développe une littérature d’un nouveau genre, la littérature apocalyptique, dans laquelle Israël va affirmer que malgré les apparences, malgré les persécutions, la grave crise religieuse traversée, tout n’est pas fini, ni perdu puisque Dieu, ils en ont la certitude, mettra
un terme à cette situation et créera une humanité nouvelle.
Celui qui instaurera cette nouvelle création c’est son envoyé, le Fils de l’homme.
Ce message d’espérance, c’est Dieu par son Esprit qui le transmet à des « visionnaires », et même leur donne déjà de contempler ce que sera cet avenir : d’où le nom d’apocalypse (en grec ce terme signifie dévoiler, révéler).
On comprend alors que ces textes fassent une large part aux descriptions, aux images.
Mais celles-ci sont exprimées en termes obscurs car la révélation doit rester obscure aux ennemis de la communauté juive, seuls les initiés doivent pouvoir la comprendre.

Il est possible de faire une liste des signes annonciateurs du retour de Jésus-Christ, en examinant ses réponses dans les évangiles. Des faux christs, faux prophètes, miracles mensongers, guerres et bruits de guerres, famines, tremblements de terre, épidémies, persécutions, trahisons, des affaiblissement
de la foi, abomination de la désolation, Jérusalem investie par les nations, présence de la statue de dieux païens dans le Temple, signes dans le soleil, la lune et les étoiles, et enfin on verra le Fils de l’homme venir sur les nuées avec beaucoup de puissance et de gloire.
Cette liste des signes appelle plusieurs remarques.

La plupart de ces faits, surtout les premiers, sont plus ou moins constants dans l’histoire du monde : sectes, famines, tremblements de terre, épidémies, persécution des chrétiens, tension et division parmi les chrétiens.
Tous ces phénomènes se sont produits dès les premiers temps de l’Eglise.
Il est donc difficile de les interpréter comme des signes devant se produire immédiatement avant le retour de Jésus-Christ.
Nous serions tentés de les valoriser aujourd’hui : les guerres sont plus meurtrières, les famines plus catastrophiques, les tremblements de terre plus fréquents, etc…
Ce n’est pas ce que dit le texte. Il parle simplement de guerre, de famine, etc…
Ces écrits dressent un tableau du monde qui convient, il faut bien le reconnaître, à presque tous les temps.

Restent les signes cosmiques. Diverses solutions ont été proposées. Il s’agirait d’une description symbolique de bouleversements politiques : effondrements des puissances mondiales. Ou bien il s’agirait de phénomènes cosmiques souvent observés : éclipses, pluies de météorites ; ces phénomènes sont donc à classer parmi les faits déjà cités : guerres, famines,… Ils remplissent les hommes de frayeur, car ils signalent la fragilité de ce monde et sont souvent interprétés par les hommes comme des présages de malheurs.

Il est bien difficile de dire si les phénomènes déjà connus à ce jour suffisent à rendre compte de cette description ou s’il nous faut encore attendre des phénomènes plus spectaculaires. Il est important de dire que ces signes, ces indices sont imprécis. Cette imprécision est d’ailleurs nécessaire si l’on veut conserver tout le poids, toute la force de “pour ce qui est du jour ou de l’heure, personne ne le connaît” (v. 32) ou « vous ne savez quand viendra le maître de la maison » (v. 35). L’imprécision des signes implique donc une vigilance constante. L’incertitude de l’heure du retour oblige à veiller et prier.

Le monde entre l’ascension du Seigneur et son retour (qui est toujours en attente) est alarmé et alarmiste.
Les disciples veulent savoir si cela se passera comme cela.

Jésus dit : “Gardez-vous de vous alarmer, cela doit arriver” (Matthieu 24/6).

Jésus, à ce point de l’évangile de Marc ne se contente pas de dénoncer des illusions, des prétendus savoirs, il prépare ses disciples à voir les choses autrement : « c’est comme un homme qui part en voyage…et revient tout à coup… », autrement dit, les disciples sont invités à être disponibles à une rencontre inattendue.

Ce que je vous dis, je vous le dis à tous : Veillez !!!

Veiller, c’est attendre, dans la certitude, le retour de Jésus.
Oui, je dis bien : la certitude. La Bible est claire à ce sujet.

Veiller, c’est être attentif aux signes, non pour détourner nos regards de Jésus qui est essentielle pour nos vies, mais pour reconnaître que ce monde est fragile, que la création est soumise à la vanité, qu’elle souffre les douleurs de l’enfantement (Romains 8/20-22).
C’est être attentif à ce que ce monde dans lequel nous vivons et duquel nous faisons partie court à sa perte, à sa destruction. Il n’est pas nécessaire de faire une grande démonstration. Seulement signaler le sur-armement conventionnel, chimique ou nucléaire des pays, et la pollution galopante dans toutes les parties du monde, la toute puissance des banques qui arrivent à se mettre en détresse pour mieux engranger les biens des Etats, c’est-à-dire vous, moi !!!

Veiller, c’est, certes, combattre avec les moyens mis par Dieu à notre disposition : la parole, l’action, la persuasion dans l’amour et la patience. Les êtres humains ne sont pas nos ennemis, mais le mal qui est en eux infiltre tous leurs membres pour les mettre à sa disposition.

Les êtres humains ne sont pas nos adversaires.
Mais ils ne sont pas sans responsabilité, car ils cautionnent trop souvent ce mal.
Nous sommes ces humains !
Devons-nous rejeter nos frères ?
Non, je dois les aider à se libérer sinon, je deviens le prisonnier de l’autre et des choses. Je suis paralysé. Je ne peux plus rien faire.
« Grâce soit rendue à Dieu qui nous donne la grâce par notre Seigneur Jésus-Christ » (1 Corinthiens 1, 4-5).
Sa mort sur la croix et sa résurrection me donnent, par la foi, le pardon de Dieu et réoriente ma vie. Ce que je fais, je ne le fais plus pour moi-même, mais pour la gloire de Dieu. Je ne le fais plus pour moi-même, mais par amour pour les autres. J’ai trouvé le sens de ma vie et, par son Esprit, Dieu me donne de la vivre.

La Bonne Nouvelle tient en quelques mots : nous sommes libérés de l’attente de l’apocalypse de Dieu : elle a déjà eu lieu sur la croix, c’est un événement qui est derrière nous.
Libérés aussi de vouloir rejoindre Dieu, de se surpasser, de se faire sur-hommes : Dieu sait que nous sommes des endormis, c’est pourtant nous qu’il choisit comme disciples.

Dieu, par la bouche de Jésus, nous demande de veiller !
Veiller, c’est découvrir, discerner, trouver le sens des choses et les vivre dans la certitude du possible à cause de la première venue de Jésus, même si ce possible n’est que partiel, la perfection n’étant pas donnée dans ce monde. Mais avec la certitude qu’avec son retour, cette perfection viendra parce qu’il l’a promise. “Celui qui a commencé cette bonne œuvre la rendra parfaite pour le jour de Jésus-Christ” (Philippiens 1/6).

Le quand et le comment il reviendra deviennent très secondaires. Aujourd’hui, dans dix ans, un siècle ou deux, peu importe !
Il reviendra.
Quels moyens utilisera-t-il pour se faire reconnaître de tout le monde et enlever les élus ? Lui, le Créateur, ne manque pas de possibilités et de puissance. Il reviendra et prendra ses élus avec lui.
Nous sommes exhortés à être toujours prêts à l’accueillir, à le rencontrer, quand bon lui semble. Ce moment ne nous appartient pas, il lui appartient à lui seul.
Ce qui nous appartient, c’est de fréquenter les Ecritures, pour l’y fréquenter, l u i.

Veiller, c’est être prêt à finir sa vie sur la terre maintenant. C’est avoir sa vie en ordre avec Dieu et les autres. C’est avoir une conscience tranquille. C’est être transparent, refuser une double vie. C’est vivre du pardon de Dieu.
Veiller, c’est aimer l’avènement du Seigneur, vivre dans la perspective de son retour, l’attendre avec joie et se joindre à la prière de l’Esprit et de l’Eglise, celle que Dieu s’est choisie, en disant : “Viens, Seigneur Jésus” et s’entendre répondre : “Oui, je viens bientôt”.

Amen.

Bernard Dernoncourt
27 novembre 2011

Prière

Si la nuit et l’hiver s’étendent sur nos contrées,
Si la neige et le froid nous font chercher au-dedans la chaleur qui n’est plus dehors,
Pour Toi, Seigneur, il n’est pas de morte saison.
Sous le feu de ta Parole, il n’y a pas de jour sans soleil et pas de nuit sans veille.
Viens réveiller nos coeurs endormis. Fais-nous espérer ton matin.
Rends-nous ardents à vivre et à témoigner de ton Evangile.
Pour que ton règne s’étende sur notre terre, maintenant et pour tous les siècles.

Sources : Oratoire du Louvre et Notes exégétiques diverses de l’ERF