Histoire du protestantisme en Wallonie

Au cours des siècles, des hommes et des femmes ont risqué leur vie pour communiquer au plus grand nombre la Parole de Dieu, contenue dans la Bible.

1. La Réforme religieuse en Wallonie

confession_marnixAprès l’affichage des thèses de Luther en 1517, le protestantisme s’est répandu progressivement dans nos régions et y a rencontré un évident succès. La Réforme est diffusée par la prédication clandestine de l’Évangile ou par les chambres de rhétorique. Le premier synode évangélique wallon a lieu en avril 1563 à Theux dans la région de Spa.

Le foyer du protestantisme en Wallonie est à cette époque la ville de Tournai, surnommée la « Genève du Nord ». Le Comte de Hornes estime que les protestants y représentent 85% de la population. Bastion de l’insurrection dans les provinces wallonnes des Pays-Bas, la ville est assiégée par les Espagnols en 1567, puis en 1581. Elle tombe le 30 novembre 1581 après une résistance héroïque de ses habitants sous la direction de la réformée Christine de Lalaing. Le comté de Limbourg et le pays d’Outremeuse, aujourd’hui le plateau de Herve, abrite également une importante communauté protestante.

Vaincues politiquement et militairement par le camp catholique, bien peu de communautés ont réussi à se maintenir en Wallonie. Nombreux furent les Wallons qui ont préféré s’exiler plutôt que de renoncer à leur foi. L’intolérance religieuse a suscité une émigration importante vers l’Angleterre et vers les Pays-Bas du nord où, estime-t-on, plus de 100.000 personnes originaires de nos régions ont trouvé refuge. D’autres encore se tournèrent vers les principautés protestantes d’Allemagne, le nouveau monde et l’Afrique du Sud.

2. L’exode, les Wallons de Suède et la fondation de New-York

Au XVIème siècle, pour échapper aux persécutions du gouvernement espagnol, nombre de protestants wallons, durent se réfugier à l’étranger. En Allemagne, des communautés wallonnes furent créées à Cologne, Francfort, Magdebourg, ainsi qu’à Hanau, Lambrech et Mannheim dans le Palatinat. En Angleterre, il y eut des églises wallonnes, notamment à Londres, à Canterbury, à Norwich, à Southampton. Mais c’est dans les Provinces-Unies que les églises wallonnes furent particulièrement nombreuses. Les Pays-Bas du Nord, révoltés contre l’Espagne, et devenus, en fait, indépendants, devinrent la principale terre d’asile pour les protestants des Pays-Bas du Sud. Le premier centre d’émigration paraît avoir été Leyde, puis les églises wallonnes se multiplièrent. Au début du XVIIème siècle, on en compta jusqu’à 121. On y prêchait en français et la tradition s’est maintenue jusqu’à nos jours dans les églises wallonnes, qui existent encore.

Au début du XVIIe siècle, la Suède qui possède de grands gisements de minerai de fer fait appel à la main d’œuvre wallonne. Les frères de Besche s’installent du côté de Nyköping où ils travaillent le laiton et le fer. Welam de Besche jouera un rôle capital dans le développement industriel de la Suède (forges et hauts-fourneaux de Finspång). Mais c’est surtout Louis de Geer, originaire de Liège, qui sera le véritable « père de l’industrie suédoise ». Bailleur de fonds de la Couronne, il sera naturalisé suédois et anobli en 1641 par la Reine Christine. Grâce à ses réseaux en Wallonie, de Geer recrute, sur contrat, une main d’œuvre spécialisée de qualité. Les Wallons s’installent dans les provinces de l’est du royaume – Uppland, Södermanland et Östergötland – et fondent les « vallonbruk », les forges wallonnes. C’est avec une grande fierté que les Suédois d’origine wallonne évoquent encore aujourd’hui leurs ancêtres, les quelque 1 000 à 1 200 familles de Wallonie qui « émigrèrent » en Suède au XVIIe siècle. Leurs descendants sont actuellement estimés à quelques dizaines de milliers (50-70 000).

D’autres exilés wallons ont choisi de s’établir dans le nouveau monde. C’est à un groupe d’émigrés, venus des Provinces-Unies, comprenant des protestants wallons, qu’est due la fondation de La Nouvelle-Amsterdam, qui deviendra plus tard la grande métropole américaine, New-York. ” Les huit hommes, qui, en mai 1624, se sont installés sur la pointe sud de l’île de Manhattan, sont les véritables fondateurs de New-York. Comme ces 8 émigrants appartenaient aux 30 familles, la plupart wallonnes, qui furent les premiers colons dans le futur État de New-York, il n’y a pas de doute sur leur nationalité ”. La première église de New-York fut une église wallonne. Le wallon Pierre Minuit est resté célèbre dans l’histoire des origines de New-York, parce que c’est lui qui acheta l’île de Manhattan aux Indiens pour 60 florins ou 24 dollars, payés en marchandises.

La présence des Wallons est rappelée dans la toponymie de la ville de New-York. Le nom « Wall Street » fait bien référence à un mur situé à la place de la rue actuelle mais les plans de la Nouvelle Amsterdam montrent deux noms en néerlandais pour cette rue. « De Waal Straat » se rapporte au groupe de colons wallon qui participèrent à la création de la Nouvelle Amsterdam.

earlynjcartouche3. Résistance et clandestinité

Aux XVIIe et XVIIIe siècle, des Églises sous la Croix subsistent clandestinement, grâce à l’aide des garnisons de la Barrière. Le traité dit de la Barrière a été signé entre la France de Louis XIV, l’Angleterre et les Provinces-Unies en 1713. Il accordait aux Provinces-Unies le droit d’installer des garnisons dans un certain nombre de villes de la Belgique autrichienne pour former une “barrière” contre la France. Ces villes sont : Charleroi, Menin, Mons, Namur et Tournai. Dans ces villes, à la suite des Provinces-Unies, des églises protestantes se sont installées, dites églises wallonnes ou églises de la Barrière. De nombreux protestants français y sont venus faire célébrer leur mariage puisqu’ils ne pouvaient pas le faire en France.

A cette époque, un système de cohabitation connu sous le nom de « simultaneum » est adopté dans le pays d’Outremeuse, c’est à dire dans la partie du comté de Limbourg resté sous le contrôle des la République des Provinces Unies, notamment à Olne ou à Blegny. Ce système permet aux protestants et aux catholiques de partager les mêmes lieux de culte. En 1781, l’Empereur Joseph II accorde aux protestants un décret de Tolérance et en 1802, Napoléon les reconnaît par les articles organiques du 18 germinal, An 10. Guillaume Ier, Roi des Pays-Bas Unis, les organise en 1816.

4. Renouveau et développement

Après l’indépendance de la Belgique, sous le règne du protestant Léopold Ier, Roi des Belges, seize consistoires s’unissent en 1839 dans le synode de l’Union des Églises Protestantes Évangélique de Belgique, tandis que des pasteurs du Réveil créent en 1836 la Société Évangélique Belge. Un grand mouvement d’évangélisation a lieu à cette époque dans les grands bassins industriels, notamment dans le Borinage et le Pays de Charleroi. Avec d’autres dénominations (méthodistes, réformée), elles fondent le 1er janvier 1979 l´Église Protestante Unie de Belgique. En outre, des communautés baptistes et pentecôtistes sont également présentes. Le XXIème siècle est marqué par un grand dynamisme résultant notamment de l’arrivée de Chrétiens issus de l’immigration et par le développement de relations fraternelles avec les communautés catholiques. Parallèlement, les liens entre les membres de la famille des protestants et évangéliques sont renforcés. En 2003, le synode de l’Église Protestante Unie de Belgique et le synode fédéral des Églises Évangéliques votent la création du Conseil Administratif du Culte Protestant Évangélique (CACPE).

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Bibliographie:

  • E.M. BRAEKMAN, “Le protestantisme belge au XVIème siècle”, Collection Terres Protestantes, Editions La Cause, Carrières-sous-Poissy, 2001.
  • E.M. BRAEKMAN, “Le protestantisme belge au XVIIème siècle”, Collection Terres Protestantes, Editions La Cause, Carrières-sous-Poissy, 2001.
  • L. COURTOIS, “De fer et de Feu. L’émigration wallonne vers la Suède Histoire et mémoire (XVIIe-XXIe siècle)”, Hommage au Professeur Anders Florén, Avec la collaboration de Michel Dorban et Jean Pirotte, Louvain-La-Neuve, 2003.