L’architecture protestante

Une ancienne étude d’un auteur belge sur l’architecture du protestantisme soulignait le rigorisme de beaucoup de temples protestants qui conduisait selon lui à une grande banalité confinant à la laideur.

Ce jugement lapidaire est sans doute à placer sur le compte du manque de recul tant l’architecture du protestantisme belge est au contraire intéressante. Au-delà des édifices prestigieux telle la chapelle royale de la place du Musée, les constructions de temples wallons à la fin du XIXe siècle se distinguent par l’éclectisme de leur architecture empruntant à l’éventail des styles néo- (classique, roman et gothique) tout en gardant une distance nette avec l’architecture des églises catholiques construites à la même époque, par exemple par le bannissement quasi systématique du transept (le temple de Jumet constitue à cet égard une exception) qui donne à voir des temples dont le plan se rapprochent davantage des églises pré-romanes. D’autres temples empruntent librement à l’architecture de temples de la Réforme aujourd’hui disparus : ainsi l’intérieur de notre temple du boulevard Audent, comme celui du temple de la paroisse de Liège Lambert-le-Bègue, chacun avec leur originalité, constituent plus ou moins des répliques du temple de Charenton, caractérisé par un ou deux étages de galeries à colonnades surplombant le parterre du temple sur trois de ses côtés.

Quant à la décoration intérieure des temples il faut éclaircir le sens de la quasi-absence d’images dans nos temples réformés. Dans bien des temples belges, là où le mobilier liturgique est resté inchangé depuis le XIXe siècle, c’est la chaire qui constitue le centre de l’espace liturgique du temple, symbole de l’importance de l’Ecriture, rappel spatial du sola scriptura luthérien. Dans la gravure allégorique de Cranach le Jeune représentant le sacrement de l’eucharistie, c’est bien la chaire sur laquelle est posée la Bible qui délimite les espaces du paradis et de l’enfer. D’un point de vue symbolique, au-delà du caractère central de la chaire, il convient de se demander si l’absence d’image n’est pas déjà une image. En 1918, le peintre abstrait Kasimir Malévich composait sa célèbre toile Carré blanc sur fond blanc, qui par l’absence qu’elle représentait, ouvrait sur l’infini et la quête spirituelle. Il n’est pas interdit de penser ainsi que la blancheur des murs de nos temples, aujourd’hui comme au XVIe siècle, incite à respecter la perfection de Celui en qui le protestantisme a foi, que l’on ne peut représenter, voire, pour certains, que l’on ne peut nommer.

Jean-Christian Sombreffe

Pour aller plus loin :
MUELLER, M. D. ,
L’architecture des temples depuis la Réformation, dans BSHPB, 3e série, 5e livraison, 1942.
REYMOND, B. ,
L’architecture religieuse des protestants. Histoire, caractéristiques, problèmes actuels, Labor et fides, Genève, 1996.
SOMBREFFE, J. –C. ,