Quelques réflexions sur la musique et le culte

Oiseau qui chanteIl nous faut avouer une chose : le Nouveau Testament n’a pas grand chose à nous dire sur le style du culte et sur la forme à adopter si ce n’est des principes généraux :

  1. Principe d’ordre (1 Co 14.33) : «Car Dieu n’est pas un Dieu de désordre, mais de paix ».
  2. Rendre gloire à Dieu (Col 3.17) « Quoi que vous fassiez, en parole ou en œuvre, faites tout au nom du Seigneur Jésus, en rendant par lui des actions de grâces à Dieu le Père ».
  3. Éviter la confusion avec des pratiques idolâtres.

Emprunter à la culture ambiante des modes d’expression pour le culte chrétien, est-ce que ce n’est pas une entreprise risquée ? Est-ce qu’il n’y a pas confusion avec des pratiques idolâtres ?
Il ne faut pas être naïf ; la culture humaine n’est pas neutre: gestes, symboles et musiques peuvent exprimer également des valeurs contraires à l’Évangile.
Si tout est permis pour le culte, tout n’est pas utile!
Comment concilier l’accessibilité du culte pour les gens d’aujourd’hui avec l’appel à la conversion c’est à dire appel à se détourner des « idoles » de notre temps pour se tourner vers le Dieu vivant et vrai?
Comment choisir une articulation entre la culture contemporaine et notre culture ecclésiale historique réformée ?
Comment rendre le culte personnel sans être individualiste, communautaire sans être fusionnel, fraternel tout en restant ouvert sur le monde ?

Par souci « missionnaire », les Églises évangéliques ont généralement privilégié l’adaptation de leur culte à la culture populaire. Elles désirent que le non-pratiquant puisse accéder au message évangélique sans avoir à surmonter des barrières culturelles supplémentaires. Cependant, « la rançon de cette volonté de s’adapter à la culture populaire, c’est précisément la nécessité d’une adaptation permanente, au risque de passer rapidement pour ringard. En effet, rien n’est plus vieux que ce qui date d’hier! ».

Aujourd’hui, les modes sont en mouvement perpétuel: les observateurs du phénomène médiatique parlent d’une « culture de flux » en ce qui concerne « l’engouement » du moment.
Tout est fluide et fugace, l’opinion évolutive et provisoire.
Dans un tel contexte, non seulement on ne peut pas suivre le mouvement culturel, mais on ne le doit pas. Alors comment être moderne et affirmer des convictions fortes, des engagements permanents et une profondeur humaine?
En ce qui concerne le style de musique et le mode d’expression du culte, il faut reconnaître que si les médias fabriquent une sorte de supra-culture populaire, nous vivons dans une société à cultures multiples. Chacun cherche sa culture! Laquelle choisir pour exprimer le culte?
La richesse d’une grande diversité d’expressions selon le choix de chaque Église locale comporte aussi le défi de garder la cohérence, la simplicité et la visibilité de l’Évangile et d’exprimer l’unité entre Églises sœurs.

Ensuite, posons-nous aussi cette question importante : le « chercheur de sens » contemporain s’attend-il à rencontrer sa culture de « loisirs » là où il vient chercher du ressourcement spirituel?
On peut encore se poser cette question : et si c’était à cause de ses interrogations sur la mort qu’il franchissait les portes d’une église? Le culte aurait-il un message pour lui?
Certains ont envie de fuir la culture « people » pour retrouver plus d’authenticité et de spiritualité.
L’analyse d’un réseau d’Églises à New York ayant un fort taux de croissance parmi de jeunes professionnels de 25-40 ans note que cette population cherche une certaine « épaisseur historique». Faire écho à l’histoire de l’Église du Christ, riche de deux mille ans, n’est pas forcément incompatible avec le désir de communiquer l’Évangile à nos contemporains.
Il ne s’agit pas de se lancer dans des luttes inutiles entre défenseurs d’un culte contemporain et défenseurs d’un culte plus traditionnel. Nous avons plutôt à construire un culte à résonance contemporaine, mais avec discernement pour « filtrer » le style et en ôter les valeurs incompatibles avec le message de l’Évangile (individualisme, concurrence, performance, affectivité fusionnelle, consommation…), sans négliger l’apport des deux mille ans de pratique du culte chrétien (à filtrer également : toutes les époques de l’histoire du culte ne se valent pas)

ChanteursEn ce qui concerne les cantiques, tout en reconnaissant l’apport positif des nouveaux cantiques, Alfred Kuen rappelle (Renouveler le culte, p. 187) : « Les siècles passés nous ont légué une richesse incalculable et variée de toutes sortes de cantiques » au point que deux principes de la Réforme protestante sont aujourd’hui quelque peu malmenés par l’influence de la culture populaire dans les Églises : la priorité de la parole sur l’image et l’expression communautaire de la foi par rapport à la culture spectacle.

Antoine Nouis (Le sens du culte, p. 287), rappelle que « la Réforme a développé une théologie de la parole qui privilégie l’écoute par rapport à la vue » par opposition à la religion du regard du catholicisme médiéval. Le rôle accordé à la musique par les réformateurs était d’être au service de la Parole et de la communauté, essentiellement par des mélodies simples et populaires qui permettaient l’expression de paroles bibliques par le chant de l’assemblée.

À chacun de réfléchir sur la pertinence de ces principes en ce qui concerne les supports techniques, le choix des cantiques et le rôle des musiciens dans la mise en place du culte.

Il nous semble que les articulations se mettront en place d’autant plus naturellement que le culte sera centré sur l’essentiel, sur la proclamation de l’Évangile de la grâce de Dieu en Jésus-Christ et sur l’exhortation fondatrice à l’amour de Dieu et du prochain, et qu’il situera la vie d’aujourd’hui dans le contexte du dessein de Dieu pour le salut du monde en Jésus-Christ. C’est pourquoi chants et prières, musique et discours, quel que soit le style, doivent, par une animation claire, fraternelle et paisible, conduire toute l’assemblée vers l’écoute attentive et humble de la Parole du Christ, écoute qui implique obéissance dans notre vie personnelle et communautaire.

Pasteur Elie Dernovoi