Alors que je rédige mon dernier billet pastoral pour Charleroi, les festivités du centenaire du début de la 1ère guerre mondiale battent leur plein.
Il eut donc été normal d’en parler, même si les protestants et les souvenirs autres que la Réforme, cela ne va pas fort ensemble !…
La guerre 14-18, la communauté protestante de Charleroi l’a aussi connue et même de près. Voyez plutôt ce que Michel Wylock en écrit dans « Histoire de la paroisse protestante de Charleroi », version revue et corrigée de 2014 (à paraître dans les mois qui viennent) :
« Ce fut la guerre qui mit en valeur la personnalité chrétienne de Louis-Samuel Pidoux, pasteur à Charleroi depuis 1912. Il a été, dans ces circonstances difficiles, le pasteur dont l’Église avait besoin.
Un fait étrange s’est produit au début de la guerre : les maisons du Boulevard Audent étaient la proie des flammes. L’incendie s’arrêta juste contre le mur ouest du temple. L’envahisseur avait-il craint d’y mettre le feu ?…
Le pasteur, surpris par l’invasion allemande pendant ses vacances en Suisse, ne put regagner son poste. Le temple fut fermé plusieurs mois. On n’osait pas se réunir, nul ne sachant ce qui allait arriver!
Quant au jour de Noël, on revit le pasteur Pidoux remonté en chaire, ah! Quel soulagement ce fut pour tous. On n’osait plus espérer son retour! Les activités ont repris et l’on vit le temple se peupler d’une foule assoiffée d’un message salutaire.
Les années de guerre furent fécondes pour l’Église. C’est à cette époque que le pasteur Pidoux institua des cours intensifs d’instruction religieuse, par lesquels beaucoup de jeunes furent conduits à Jésus-Christ.
Des étrangers à notre foi, troublés par les événements, fréquentaient assidûment les cultes.Une étroite solidarité unissait les chrétiens. On soignait les blessés au Salon du Réveil, transformé en infirmerie. On se dévoua dans toutes les œuvres de charité, comités de ravitaillement, soupes populaires, départs d’enfants vers la Suisse etc.
Quand, en 1916 et 1917, de nombreux réfugiés protestants de la région de Saint-Quentin vinrent passer quelques mois dans la région, l’Église de Charleroi leur réserva un accueil qui resta longtemps dans les mémoires.
Le pasteur Pidoux était l’infatigable animateur de cette généreuse activité ! Pourtant, la charge était lourde.
Au début de 1916, notre Église perdait un vaillant lecteur de Bible et un évangéliste qui s’était dépensé sans compter, Mr Fernand Demarez. Ce fut une perte importante pour la communauté et particulièrement pour l’œuvre de Baulet dont il avait été l’enthousiaste ouvrier.
Gilly-Ransart, détacheé de Charleroi depuis 1914 et devenu eéglise autonome, n’eut que des intérimaires pendant la guerre. Son pasteur, Émile Hoyois, était mobilisé comme aumônier.
Mr Pidoux dut faire face aux difficultés nombreuses et répondre à tous les besoins. Heureusement, Dieu veillait sur lui pour l’empêcher de faiblir.
La guerre fit des victimes parmi les membres de l’Église : une rue de Charleroi (l’ex-rue de Ravin) porte le nom de l’une d’entre elles, la rue Willy Ernst, qui, quoique d’origine allemande, fut fusillé pour avoir participé à une organisation de contre-espionnage, laquelle facilitait l’évasion hors de nos frontières.
Les derniers mois de guerre furent particulièrement éprouvants. La lassitude et la misère avaient des répercussions sur la vie d’Église….Et quand furent proclamés l’armistice et la délivrance, ce fut une explosion de joie, hélas assombrie par une épidémie qui faucha plusieurs jeunes sur qui l’on fondait de belles espérances.
Une anecdote: nous sommes en 1918. Les Anglais et les Américains occupent le Boulevard Audent, durant le culte du dimanche matin. Lors de la sortie, stupéfaction générale : les militaires entrent dans le temple et montent dans les galeries. Certains membres d’Église, moins effrayés que d’autres, furent alors les témoins d’une scène prodigieuse : le pasteur Pidoux est remonté en chaire, a assumé tout le culte et a prêché en anglais avec la même aisance et avec un tel naturel….comme s’il avait prêché depuis toujours dans la langue de Shakespeare !
En 1919, l’Église voyait revenir des membres que la guerre avait éloignés de nos frontières. Des vides malgré tout s’étaient creusés. Des familles entières étaient parties pour s’établir au loin. »
C’est donc sur un souvenir que je signe mon dernier billet.
Merci de m’avoir accompagné dans mon ministère lors de mon passage dans la communauté de Charleroi.
Le Seigneur me confie à partir du mois d’octobre, une autre communauté proche de mes racines, je suis né à 5 km de Quaregnon, mais aussi proche du lieu où mon ministère a débuté.
C’est un peu comme les disciples qui à la fin de l’évangile de Matthieu (28, 10) et de Marc (16, 7) sont envoyés là où tout avait commencé pour eux, en Galilée.
Ma prière demande au Père de faire en sorte que le poste pastoral de Charleroi ne soit pas vacant trop longtemps et qu’il donne l’énergie que procure son Esprit Saint à ceux qui tiennent les rênes de la communauté.
Votre pasteur,
Bernard Dernoncourt