Troisième dimanche de l’Avent

Esaïe 11, 1 à 10
Romains 15, 4 à 9
Jean 8, 31 à 47

L’image qu’employait le prophète Esaïe est une image écologique : Le Messie n’est pas une branche qui jaillit de la couronne du grand arbre, mais un rejeton qui part d’une souche. La venue du Messie sera donc, pour la Maison de David, comme un miracle de résurrection.

Mais ce miracle ne se réalisera pas sans fracas.

En effet, les 2 versets qui précèdent sont apocalyptiques et laissent supposer que le changement ne se fera pas si simplement que cela ! Je vous les lis :

33 Mais voici : l’Eternel, le Seigneur des armées célestes, abat avec violence toutes ces belles branches. Les plus hauts arbres sont coupés, les plus élevés sont à terre.
34 Il tranche avec la hache les taillis des forêts et le Liban s’effondre sous les coups du Puissant.

Ces deux versets sont comme un préambule à notre prophétie : il évoque le jugement des chefs de Juda sous la figure de l’abattage des cèdres et autres splendeurs du Liban (cf. 9/9). C’est dans le tableau de la forêt coupée que se loge l’image de 11/1 : la famille royale elle-même n’a plus qu’une souche en terre, quand se met à pousser le rejeton. Cette image est forte et très actuelle !
L’image de la forêt coupée, défoliée, évoque plus que jamais aujourd’hui la mort de l’espérance et l’interdiction de l’avenir. C’est ce que beaucoup de jeunes aujourd’hui pensent au sujet de leurs lendemains. Leur lecture de l’histoire humaine est un jugement radical, ils la voient comme une souche durcie qui n’a plus de rejetons viables.
Beaucoup de jeunes préfèrent donc vivre dans l’instant, de peur d’envisager des lendemains qui les effraient. Leur tentation, c’est de penser qu’il n’y a plus de message, plus d’idéologie fiable ; pour beaucoup d’entre eux, même le message du monothéisme est devenu ringard.

Pour appuyer cette affirmation, je vous rapporte les paroles entendues il y a quelques jours alors que mon épouse et moi attendions notre tour au bureau d’accueil d’un hôpital de la région. Juste devant nous, une future jeune maman répondait aux questions de l’hôtesse d’accueil. Arrive la question : désirez-vous le passage de l’aumônier, si oui, de quelle confession philosophique ? La future maman donne cette réponse surprenante : « Non, j’aurais l’impression de mourir ! »

Bon nombre de gens préfèrent se réfugier dans des pratiques spirituelles orientales à la petite semaine, quitte à ne travailler que sur le paraître, sur l’apparence de soi et sur une maîtrise de soi qui n’est qu’une forme de plus de religion des œuvres méritoires.

Le peuple de Dieu du temps d’Esaïe aurait pu tenir ce même propos vis à vis du prophète et du message divin que ce dernier annonçait, un message d’espérance.

Il est tellement positif ce message que des siècles plus tard il est souvent lu les dimanches qui préparent Noël.

Ce texte a permis de dire et de raconter Jésus. De raconter sa naissance, non pas comme un reportage, mais comme une parabole, comme une prédication imagée du salut que Dieu accordait ainsi en celui que nous confessons être son Fils.

En Jésus, Dieu ne vient pas seulement proposer un programme de restauration et de réhabilitation. Il vient faire chemin avec nous, apportant au cœur de nos vies la lumière de sa vie. Par son Esprit, symbole de vitalité, Dieu veut embraser nos cœurs pour donner une nouvelle orientation à notre quotidien. Et par son feu, symbole de purification, il veut brûler tout ce qui nous empêche d’être libres et bien disposés en sa présence.

Parce que Dieu est Amour, Dieu veut aussi donner du sens et de la cohérence à nos existences. Notre rencontre avec Jésus fait de nous des témoins de sa lumière et de son amour. Cette rencontre nous engage à sortir, nous aussi, de nous-mêmes, de nos maisons, de nos temples, de nos églises, pour partager avec d’autres ce message nouveau : “Dieu est vivant au milieu de nous !”. La Bible annonce ce message, sa valeur est inestimable à cause de la personne qu’elle présente, Dieu lui-même !

Bref, ce message d’Esaïe si il invite à l’espérance, il dit aussi qu’il faut nous convertir…

10 Il adviendra en ce jour–là que le descendant d’Isaï se dressera comme un étendard pour les peuples, et toutes les nations se tourneront vers lui. Et le lieu où il se tiendra resplendira de gloire.

A propos du terme « convertir », nous cherchons à l’accaparer, à l’aseptiser, à le neutraliser, et ainsi nous le confondons

  • soit avec une expérience extatique, mystique un repliement sur soi ;
  • soit avec une activité purement cérébrale, un nouveau mode de pensée.

La conversion, est une disposition ouverte à un éventuel bouleversement de nos compréhensions et de nos valeurs habituelles. C’est une expérience qui se fait tous les jours, dans la banalité de notre vie affrontée avec une aide inattendue.

La conversion chrétienne est d’abord « écoute », ou disposition à l’écoute, ouverture et réception… Le choc émotionnel ou le bouleversement intellectuel, aussi fréquents soient-ils, sont secondaires par rapport à cette acceptation de la révision, et à la mise en cause de nos repères, de nos critères, etc…

Autrement dit, la conversion n’a rien à voir avec l’intelligence ou la richesse.

Dans l’épître aux Romains, l’apôtre Paul établit comme règle pour sortir de conflits deux critères : le don de soi et le refus de la complaisance.

Je ne vis pas et je ne crois pas en Dieu pour me faire plaisir, mais pour construire quelque chose avec mon prochain ici-bas, à commencer par mon Eglise. Elle vit de ce que je lui apporte.

C’est pourquoi au v. 6, Paul demande aux forts et aux faibles de se mettre vraiment d’accord, en chantant ensemble la Gloire du Dieu-Père-de-Jésus-Christ.

La grande nouvelle d’Esaïe, relayée par l’évangile, est magnifique !
Même d’une souche, Dieu peut faire renaître une communauté vivante. Dieu ne désarme jamais ; c’est nous qui n’osons plus espérer.

L’insistance du prophète sur la nouveauté, l’inattendu, est un baume sur le moral des désespérés.

Le trône de David est fatigué, incapable de plus rien produire de bon. Et pourtant, dit le prophète, il va surgir là de la nouveauté. Pas d’ailleurs, d’un lieu inconnu. Pas d’un nouveau régime, d’une nouvelle famille, et pourquoi pas d’une nouvelle planète.

Non. Là. Là où vous êtes. Dans ce qui n’est plus capable de rien. Dans ce qui s’est épuisé, vidé. Dans ce qui n’a plus ni force ni vigueur ni imagination ni projet.

Dans ce qui attend la mort. Du nouveau va surgir.

Entendez-vous !

C’est l’évangile dans les mots du prophète ?

Ici, pour nous, le règne du Christ, c’est du neuf, c’est de l’inattendu, ce n’est pas la table rase, mais c’est bel et bien un nouvel arbre sur la vieille racine.
Puisse l’Esprit qui inspira cette prophétie la faire retentir ce matin dans nos vies et dans notre Eglise. Car, la plupart du temps, nous côtoyons le pire qui puisse nous atteindre : nous sommes blasés !

Nous oublions que la royauté du Christ s’exerce sur nous et pour nous, et qu’elle est synonyme de nouveauté.

Nous pensons que nous sommes là pour maintenir l’édifice pour qu’il ne s’effondre pas encore, pas de notre temps. Et surtout, pour maintenir, que la nouveauté ne s’approche pas de trop près au détriment de la tradition.
Et pourtant, dans le même temps, nous souffrons de cela. Certes, nous sommes bien comme nous sommes, assez satisfaits finalement de nous et de notre maison ! Mais nous avons aussi conscience de nos limites, de nos manques, de nos handicaps, de nos inerties. Simplement, nous faisons avec, puisque nous ne pouvons rien changer, n’est-ce pas ? Continuons donc, tel le vieil arbre qui fait illusion tant qu’on ne s’aperçoit pas qu’il n’y a plus que l’écorce !…

Heureusement, il y a 2000 ans, le règne du renouveau est arrivé !
Le règne de Christ est une totale nouveauté.
Il est juste. C’est le règne de la justice. Il ne vient pas nous juger. Il vient nous justifier. C’est-à-dire nous rendre justes. Sous le règne de Christ, nous sommes justes devant Dieu.
Il faut que nous le manifestions devant les hommes : soyons donc aussi justes dans ce sens ! Que la juste justice de Christ devienne le critère de notre jugement, de notre comportement, de notre relation aux autres.
Pour qu’ils choisissent la justice de Christ, il faut qu’ils la voient… chez nous !

Il faut que librement ils choisissent de cheminer avec nous, sans contrainte car suivre Jésus, s’attacher à la Parole qu’il a annoncée, c’est vraiment être ses disciples. Jésus ajoute :

32 Vous connaîtrez la vérité, et la vérité fera de vous des hommes libres.
47 Celui qui appartient à Dieu écoute les paroles de Dieu. Si vous ne les écoutez pas, c’est parce que vous ne lui appartenez pas.

Lorsque tout cela sera instauré, le Royaume pourra enfin être et Jésus revenir.
En ce troisième dimanche de l’avent, nous sommes dans la préparation de cette période. Le temps arrive bientôt, la lumière devient de plus en plus grande !

Amen

Prière
Toi qui nous apprends à vivre comme tes fils et tes filles,
donne-nous un regard semblable au tien sur les humains et la vie.
Toi qui fais briller le soleil sur les méchants comme sur les bons,
donne-nous d’être bons dans nos rencontres, dans les confrontations ou les affrontements.
Toi qui fais tomber la pluie sur les injustes comme sur les justes, rends-nous justes devant l’injustice.
Que nos droits ou privilèges ne soit pas prétextes à l’exclusive.
Toi, qui nous recommandes de prier pour ceux qui nous persécutent, nous te présentons ceux qui, par violence ou par action terroriste, menacent notre sécurité ou notre tranquillité.
Fais de nous des instruments de ton salut pour eux.
Toi qui montres, par ta providence, les chemins de la réconciliation et de la paix, donne-nous le temps et rends-nous disponibles pour servir l’un et l’autre, fidèlement et toujours.
Gilbert Charbonnier CN


Prédication largement inspirée de deux prédications, l’une du pasteur Jean-Christophe Robert (Prédication donnée au temple de Saint-Germain-en-Laye, culte du 5 décembre 2004) et l’autre du pasteur David MITRANI (Prédication pour le 09.12.2001 à Jarnac). Site : http://www.cultes-protestants.org/Predications_r32.html