Dieu est au jardin

On peut râler contre la météo, cela ne change rien au climat ! Juste un peu d’aliment pour des conversations désabusées, négatives, pessimistes.
On peut rouspéter parce que c’est lundi et qu’il va falloir travailler toute la semaine. Combien de fois ai-je entendu des collègues déclarer, avec une mine d’enterrement : cela va comme un lundi…
On peut incriminer le temps qui passe, les années qui fuient, les articulations qui se bloquent, le dos qui se courbe, c’est le sort du commun des mortels et cela n’ôtera pas une seule ride du visage.
On peut mijoter dans le jus de l’aigreur ; les conditions économiques et sociales le justifieraient amplement. On peut critiquer les chômeurs, mais cela ne leur donne ni courage, ni travail.
On peut détester l’étranger, le juif parce qu’il est juif, le musulman parce qu’il est musulman, les animistes, pareil. Quand je dis « on peut », je ne donne pas une autorisation, évidemment ! Il se trouve des gens qui…
Cette haine ne changera pas les objets de la haine et ils resteront ce qu’ils sont. Tant mieux pour la diversité et la richesse des rencontres.

Laissons là ce genre d’humeurs qui alourdissent la marche, rendent la vie amère, gâchent la journée.
Venez ! Venez avec moi au jardin.
Dès la porte de cuisine franchie, respirez cet air frais qui efface tous les miasmes du pessimisme, qui donne tonus et vigueur au fatigué, qui console le déprimé, donne la paix à l’agité.
Suivez-moi, si vous le voulez bien, pour humer l’odeur de la pluie qui tombe après plusieurs jours de sécheresse. Venez admirer le dynamisme des jeunes plants repiqués et abreuvés.
Laissez-vous griser par le parfum de l’herbe tondue, par les odeurs enivrantes des lilas, des chèvrefeuilles, des rosiers.
Oui, ce lundi vous pèse, mais pèse-t-il autant au jardin ?
Penchez-vous pour admirer une plantule, un insecte, vous en oublierez vos rhumatismes et autres ennuis mécaniques.
Observez le manège des oiseaux, c’est une société en réduction, avec ses territoires, ses guerres, ses rivalités. Là aussi on chasse les « intrus » !
Ce même merle batailleur est celui qui use de mille stratagèmes pour me faire croire que son nid est ailleurs que dans le lierre près de la cuisine ! Il tournicote, vermisseau dans le bec, comme un avion en attente d’atterrissage à Gosselies !

Ne marmonnez pas, dans votre coin, que vous habitez en appartement et que la vue depuis votre cuisine n’est pas spécialement belle.
Je sais bien tout cela.
Et le rêve ? Et l’imagination ?
Je ne peux m’empêcher de me rappeler ma très chère vieille amie Marie, enfermée par l’âge dans une chambre de maison de retraite de 9 mètres carrés, soignant joyeusement ses petites potées sur l’appui de fenêtre, heureuse de humer le parfum des pensées que vous lui aviez apportées.
Quelle joie de vivre !
Cela ne venait pas d’elle seulement, cela lui était donné.
Elle connaissait la valeur des jardins, de tous les jardins, secrets ou non. Elle savait qu’on y rencontrait Dieu…

Moi aussi je le sais, venez-y vite avec moi : Dieu est au jardin.

Yvette Vanescote