Prédication pour le nouvel an 2022

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Lecture : Rom. 8 : 22-25, 35-39

Hier, nous sommes donc entrés dans cette nouvelle année 2022. Un jour de fête, de rencontres familiales, d’échange de vœux, suivi d’un dimanche, jour consacré au Seigneur et à la rencontre d’une autre famille, celle que forme la communauté paroissiale.

Je n’ai pas besoin de m’étendre longuement sur le contenu de nos vœux, car si les uns et les autres, tous, nous formulons des vœux de bonheur, tous aussi, nous avons en tête que cela signifie notamment être débarrassés de ce fichu virus qui n’arrête pas de se transformer pour mieux nous assaillir, ce virus dont on se demande quand il en aura fini de faire des vagues.

Oui, hier, nous avons tourné la page de 2022, nous avons changé d’agenda, de calendrier, mais ce geste annuel ne renouvelle pas notre vie comme le ferait un coup de baguette magique. Loin s’en faut. Les problèmes qui étaient là en 2021 seront encore là demain, après cette petite trêve que nous accordent ces 2 jours d’arrêt que sont les 1er et 2 janvier.

Et s’il n’y avait que le covid ! Mais c’est tout le mal-être du monde qui nous rattrape aussi. Comme l’exprime l’apôtre Paul dans sa lettre aux Romains, la Création entière soupire, elle est comme en travail. Et il n’en est pas ainsi pour elle seulement, mais nous aussi, nous soupirons.

Pour savoir comment avancer, il faut souvent commencer par se retourner pour visionner le passé, analyser ce qui a précédé afin de tirer au clair les failles, les défaites, mais aussi les réalisations et les succès.

La Création entière soupire, elle est comme en travail. Depuis quelques décennies, l’on nous parle de conséquences dramatiques dues au réchauffement climatique. Nous avons enregistré de plus en plus des records de chaleur et des périodes de canicule, assez brèves, oh ! bien sûr pas vraiment cette année-ci. Par contre, le désastre fut amené par cet autre excès climatique qui a déferlé en provinces de Liège et de Namur, en plus d’autres contrées avoisinantes comme en Allemagne : les pluies de la mi-juillet ont été catastrophiques et nous avons mieux mesuré ce que pourraient être les conséquences des changements annoncés. Ailleurs, sécheresses, incendies, volcans, nous ne détaillerons pas ce catalogue qui s’étale de plus en plus à toutes les parties du monde. La Création soupire, comme en travail. Et pas seulement elle.

Nous soupirons aussi au regard des souffrances qui atteignent les créatures. Nous n’allons pas non plus en détailler le catalogue qui, ces temps-ci, est évidemment dominé par le covid et toutes ses retombées sur les différents plans de notre vie : social, familial, professionnel, économique, culturel…On en oublierait toutes les autres souffrances qui peuvent accabler les uns et les autres : vieillissement, fin de vie, maladies incurables, solitude, handicaps, violences, misère matérielle… N’en rajoutons pas, mais on ne pourra pourtant pas ignorer l’international… avec ses menaces guerrières, ses luttes intestines, ses famines, ses misères endémiques…

Nous soupirons parce que nous avons autre chose en vue, peut-être encore le rêve du paradis perdu, en tout cas une amélioration sensible de toutes ces situations qui nous choquent, nous perturbent, nous révoltent, qui nous font parfois hurler intérieurement. Où que nous tournions nos regards, la souffrance du temps présent crève l’écran, elle enfonce en nous un poinçon qui vient toujours ternir nos réjouissances. C’est l’illustration inévitable du paradis perdu. Mais allons-nous donc en rester à cette mélancolie du paradis perdu ?

Nous pouvons en effet porter ce sentiment de deux manières différentes, opposées même : soit en s’enfonçant dans le désespoir de ce qui est irrémédiablement perdu, soit dans l’espérance d’une réalité vers laquelle il nous faut avancer. Et précisément, tout le message biblique se situe entre ces deux points : paradis perdu – paradis retrouvé. Entre ces deux images se déploie notre vie ; et le message biblique, tel que nous avons pu l’entendre dans l’extrait de la lettre aux Romains, affirme que, s’il est bien vrai que le paradis primitif est perdu, il est néanmoins vrai que nous sommes appelés en avant, vers un paradis à retrouver après lequel nous soupirons tant. En rester à remâcher sa nostalgie nous empêcherait de nous engager avec le dynamisme voulu vers une réalité changée, renouvelée.

L’insatisfaction, les malaises ressentis, les soupirs, les gémissements, en un mot, tout ce qui est la souffrance du temps présent, l’apôtre Paul lui-même n’hésite pas à les comparer aux douleurs de l’enfantement. L’histoire, elle aussi, est en travail ; un être nouveau ne voit pas le jour sans provoquer les souffrances de celle qui le met au monde. De la même façon, la Création, la vie de l’humanité, l’histoire de notre pays ne pourraient être régénérées sans passer, elles aussi, par ces heures difficiles qui précèdent l’enfantement : ce sont les soubresauts d’un monde qui cherche sa voie, non sans grincements et craquements.

Au travers d’une description du monde sans complaisance, le message biblique, et l’Eglise à sa suite, se veulent pourtant porteurs d’espérance et ce mot « espérance » apparaît d’ailleurs de manière répétée dans l’extrait choisi, comme le moteur de notre action : c’est bien parce qu’il y a une espérance que nous allons nous y mettre avec cœur.

Nous croyons à un paradis à retrouver, comme nous croyons à la possibilité de vivre dans l’harmonie et l’attention mutuelle. Et notre attente ne sera pas inactive, mais bien espérance à laquelle nous participons activement en réponse au projet de Dieu et à sa promesse pour le monde.

J’ai retenu de Roger Garaudy cette définition de l’espérance : elle est anticipation militante de l’avenir. L’espérance nous pousse en effet à anticiper, c’est-à-dire vivre dans le chaos d’ici, dans les souffrances présentes, vivre déjà l’ébauche du Royaume, vivre des moments privilégiés où l’on se trouve en pleine harmonie avec la Création, comme avec le Créateur. Et Garaudy renforce l’idée en ajoutant un qualificatif fort : anticipation militante, ce qui appuie doublement la notion d’une attitude active. Déjà lors d’un culte de l’Avent, nous avons pu entendre l’appel de Jean Baptiste : Préparez le chemin du Seigneur. L’attente, l’espérance se voit doublée d’une action qui donne corps à cette espérance, qui nous projette dès maintenant vers la plénitude, vers ce bonheur universel tant désiré. Anticipation militante de l’avenir.

Et notre référence ultime reste aujourd’hui encore l’histoire, la vie et le ministère de Jésus-Christ qui nous donne l’assurance que Dieu veut le bien de ses créatures, qu’il est Dieu avec nous, traduisant ainsi le nom Emmanuel, parfois apposé à celui de Jésus d’ailleurs. Dieu avec nous, pas dans un sens borné ou nationaliste, au contraire dans une vision globale et universaliste. Dieu avec nous, pour nous, les hommes, les femmes, l’humanité entière. C’est l’annonce éclatante de Dieu en Jésus-Christ. C’est le message de Noël destiné à nous accompagner chaque joue de l’année, c’est l’étoile pour nous conduire et pour illuminer nos ciels gris.

Et l’apôtre Paul veut nous pousser, justement dans ces circonstances où il y a contradiction avec l’amour de Dieu, à retourner d’autant plus fort vers Jésus-Christ, à le rechercher, convaincus qu’en lui s’exprime toujours l’amour de Dieu pour nous. Prenons l’exemple de l’enfant né aveugle à propos duquel les disciples questionnent : qui a péché ? Ses parents ou lui… ? Là où nous cherchons des causes, des explications, Jésus nous propose plutôt une réaction positive : manifestez donc en lui les œuvres de Dieu ! C’est-à-dire exercez la miséricorde, l’amour que suscite le cœur devant celui qui souffre. Telle est la réponse pratique, urgente qu’il faut donner, sans se laisser paralyser par tous les pourquoi et les comment auxquels aucun système philosophique n’a apporté une réponse entièrement satisfaisante.

Ce que Paul annonce, c’est la présence de Jésus, gage de l’amour de Dieu, au sein même de la détresse, que cette détresse puisse être par la suite vaincue ou non, surmontée ou peut-être simplement acceptée et assumée. Paul lui-même nous dit avoir beaucoup prié pour être délivré d’une mystérieuse écharde qui le handicapait, non seulement lui personnellement, mais aussi son ministère de prédicateur et il confesse avoir reçu cette réponse : Ma grâce te suffit. Il est des détresses à assumer avec cette force qui nous est accordée au long des jours selon la promesse de Jésus : Voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. C’est donc forts de cette promesse que nous pouvons entrer et cheminer dans l’année nouvelle.

Hier, nous avons donc jeté le calendrier de 2021, nous avons tourné la dernière page de l’agenda, nous avons ouvert le nouveau calendrier, le nouvel agenda, mais ce geste annuel ne renouvelle pas notre vie comme par un coup de baguette magique, ai-je dit. Non, on se retrouve avec les mêmes ingrédients. Ce qui était là en 2021 sera là demain encore, après cette petite trêve que nous accordent les 2 jours d’arrêt, un peu hors du temps, pour débuter cette année.

Oui, la situation n’aura guère évolué… sauf que votre regard peut avoir fondamentalement changé, … sauf que votre état d’esprit tout empreint de la joie et de l’espérance de Noël peut vous inciter à prendre la vie autrement, … sauf que, si vous vous sentez accompagnés par la bienveillance de Dieu, toute la vie sera peinte de couleurs plus agréables au fur et à mesure que vous avancerez sur ce chemin de l’espérance ouverte par Jésus-Christ, gage d’un amour de Dieu sans limite.

Daniel Vanescote