D’or, de myrrhe et d’encens

Au petit matin, juste avant le réveil, quel rêve ! Un incendie ronfle dans la cave, mais la maison, bien vieille semble-t-il, ne permet pas que les flammes se communiquent très vite aux étages supérieurs. Néanmoins, la chaleur est perceptible au travers des murs. L’urgence nous pousse à essayer de sauver le plus d’objets possibles, pas nécessairement les plus primordiaux, juste ce qui tombe sous la main. Les autres membres de la famille sortent de la maison pour charger la voiture : le danger se précise, il devient téméraire de continuer. Cependant je retourne sur mes pas, redescends dans une cave voi- sine du sinistre et commence à faire un choix vraiment aléatoire entre une série de réveils, mon GSM. Je cherche vainement mon fer à repasser, ouvre une table de nuit où rien ne m’intéresse. Brusquement, la lumière s’éteint et me voici dans le noir, à la recherche de l’escalier que finalement je trouve. Les marches sont hautes, très hautes et je peine à grimper.

Catastrophe, la dernière marche manque et je crie à l’aide. Personne ne semble m’entendre… Je dois absolument lâcher les biens « précieux » qui me remplissent les mains pour m’agripper au bord du pallier, me hisser et sauver ma peau… Je sais que les pompiers de Nivelles n’arriveront que dans 20 minutes, si l’homme se décide enfin à leur téléphoner et aussi s’il y arrive, car leur numéro de téléphone est introuvable dans l’annuaire…

Si vous êtes psychanalyste, je vous donne du grain à moudre. Allez-y gaiement ! Moi je sais que mon rêve est une salade de vécu des dernières heures : conversations, écoute de la prédication, réflexions personnelles, assaisonnées de plein d’autres choses profondément enfouies dans l’inconscient, mais là ne réside pas l’intérêt de la chose. La réflexion se poursuit d’abord dans un demi réveil : le sauve « que » peut : et MES draps ? MES nappes ? MON appareil photo avec toutes les photos de voyages qu’on ne recommencera pas de si tôt… L’éveil total conduit à d’autres pensées plus lucides : pourquoi ce choix si aléatoire d’objets d’aucune valeur ? Et surtout, cette remontée si difficile, les mains pleines, et finalement ce rejet d’objets encombrants, porteurs de mort si on ne les abandonne pas…

Je pense à ces mages, venus d’Orient, porteurs d’or, de myrrhe et d’encens. Qu’ont-ils dû lâcher pour venir offrir ces cadeaux précieux au petit roi ? Quitter leur pays et leurs familles, lâcher leurs occupations personnelles, donner de leur temps et courir le risque de routes peu sûres… Ouvrir les mains pour abandonner tous les objets superflus et ne garder que le plus précieux à donner à ce petit roi né bien loin, dans une contrée étrangère. On peut dire que tout ceci relève du symbole… Justement, cela fait réfléchir à nos choix de vie, à tous les « encombrants » dont nous n’arrivons pas à nous débarrasser pour nous concentrer sur l’essentiel : donner, nous donner au « petit enfant », né dans le dépouillement, vivant comme un nomade, sans endroit où poser la tête, nourri par les biens de femmes et d’hommes accueillants… La légendaire générosité des pauvres !

Les occasions ne nous manquent pas de devenir des mages à notre tour, ni rois ni trois, comme les vrais d’ailleurs. Il suffit de regarder autour de nous : centre sociaux en recherche de fonds, Solidarité Protestante en difficulté, pauvres en tous genres, demandeurs d’asile à la rue. Et encore et encore.

Mais je sens bien que mon rêve me dit qu’il s’agit de plus que ça : il faut lâcher prise pour SE donner.

C’est une question de Vie ou de mort.

Yvette VANESCOTE