Voyageurs sans bagages

Tout voyage comporte des risques et une part d’imprévus. Planifiez votre itinéraire, vos logements, vos visites… Un petit ou gros grain de sable viendra perturber les projets les plus peaufinés. C’est tellement bien ainsi ! Remarquez avec moi que ce sont souvent les souvenirs des avatars qui restent et qui font rire…après coup !

Fin prêts, nous quittons la maison à l’heure pour l’aéroport… Jusque là tout va sur des roulettes puisque cela dépend uniquement de notre organisation… Et voilà, la béatitude s’arrête là, pour le moment, car notre avion décolle avec quatre heures de retard pour Londres et la connexion suivante est déjà ratée. On se domine, on reste cool, on est pris en charge à Londres et la compagnie aérienne prend efficacement les choses en main pour la suite du voyage aux antipodes. Les valises vous suivront sans aucun problème, soyez-en sûrs.
Je vous passe tous les détails ; pour finir nous récupérerons le dernier bagage deux jours après l’arrivée à destination.
Mon propos n’est pas de raconter nos histoires de valises, mais bien d’exprimer les sentiments que cela a suscités en mon esprit, le soir à l’hôtel à Londres, sans véritable bagage, munie juste de la petite trousse de toilette de « survie » fournie par la compagnie aérienne, très correcte par ailleurs, et du Tshirt robe de nuit qui l’accompagnait… Je vous défends de rire !

Sentiments mélangés. Un peu de contrariété à ne pas pouvoir disposer de « mes affaires ». Et, en même temps, je ne pouvais m’empêcher de penser à tous ceux qui voyagent constamment sans bagages, qui ont dû tout abandonner derrière eux ou bien qui ont tout perdu. Je pensais à tous ceux qui arrivent dans nos pays riches, les mains vides, les poches vides, sans papiers, avec un passé parfois lourd de souffrance et avec quel avenir devant eux…
Notre « dépouillement » n’était que provisoire, et encore, nous étions logés et nourris aux frais de la princesse British Airways !
Mais eux, pas d’hôtel à l’arrivée ou à l’escale.

Sentiments mélangés. Une sorte de bienfaisant allégement de ne pas devoir se coltiner 45 kg de valises pour une escale prématurée. Pouvoir se déplacer facilement, munie du seul bagage à main, livres et appareil photo. L’essentiel pour une voyageuse qui n’arrive plus à porter et une lectrice impénitente !
Une suite de réflexions me venaient à l’esprit sur tout ce qui nous encombre, nous ralentit, entrave notre marche, notre allure, dans notre vie matérielle et spirituelle. Je me rendais compte de mes difficultés à lâcher du lest… Quel attachement à toutes sortes de choses sans aucun doute inutiles ! Cela mérite un retour sur soi critique et des choix salutaires.

Sentiments mélangés. Je pensais à tout ce que nous portons, même dans une vie heureuse :
soucis, chagrins, deuils, maladies, handicaps, déceptions, échecs et parfois toute la misère du monde…
Je pensais à tous ces bagages-là qui tirent nos bras vers le bas, qui scient nos épaules, cassent nos dos, nos cœurs et nos âmes…
Sort désespéré de la condition humaine ?

Irrésistiblement me vient en tête cette parole du Christ : « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés », ce n’est pas une invitation en l’air qui nous fera retrouver nos peines au bout du voyage, c’est une promesse de salut, de soulagement, d’aide, de soutien. Lui qui, sur la croix a pris le poids de nos péchés, de nos malheurs, nous entraîne dans la légèreté du matin de Pâques, à marcher avec lui, à l’aventure, tels des voyageurs sans bagages.

Yvette Vanescote