Ressuscité pour sauver

IMG_5079De même que Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre d’un grand poisson, de même le Fils de l’homme sera trois jours et trois nuits dans le sein de la terre (Matthieu 12. 40, version Segond).

Je vous invite à relire les 4 chapitres du petit livre de Jonas dans la version en Français courant.

Jonas est un des « types » (ou prototypes) du Christ, un précurseur, dont l’œuvre sera complétée par celle de Jésus.

La mission de Jonas concernait la ville de Ninive, c’est-à-dire la société païenne. Le message du prophète ne consistait pas à essayer de transmettre à cette société la Bible d’alors. Jonas lance seulement un appel pressant et même menaçant, il est vrai, à la conversion morale des Ninivites au nom du Dieu créateur, respecté sous différents noms par les non-juifs. Remarquable, à cet égard, est le comportement de l’équipage du navire lors de la tempête, dans Jonas 1.5-16.

Ces marins réalisent idéalement le point de vue développé plus tard par Paul relatif aux possibilités et obligations religieuses des païens, tel qu’il le formule dans l’épître aux Romains ch.1.18-21 (version en Français courant) : « En effet, Dieu manifeste sa colère depuis le ciel sur tout péché et tout mal commis par les hommes qui, par leurs mauvaises actions, empêchent la vérité d’agir. Dieu les punit car ce qu’on peut connaître de Dieu est clair pour eux : Dieu lui-même le leur a montré clairement. En effet, depuis que Dieu a créé le monde, ses qualités invisibles, c’est-à-dire sa puissance éternelle et sa nature divine, se voient dans les œuvres qu’il a faites. C’est là que les hommes peuvent les connaître, de sorte qu’ils sont sans excuse. Ils connaissent Dieu, mais ils ne l’honorent pas et ne le remercient pas comme il convient de le faire pour Dieu. »

L’équipage « offre un sacrifice et fait des promesses solennelles »(1.16) au Dieu de Jonas qu’il connaît très peu. De même, les Ninivites écoutent le prophète parlant au nom de Dieu, mais sans qu’il fasse allusion à la révélation biblique, seulement à une morale élémentaire. A la fin du récit et de la conversation entre Dieu et Jonas, Dieu reconnaît que les Ninivites « ignorent ce qui est bon pour eux » (4.11), littéralement, « ne savent pas distinguer leur gauche de leur droite .» (Segond)

Les juifs considéraient volontiers que leur responsabilité à l’égard des nations se bornait à leur donner un exemple en appliquant eux-mêmes la loi révélée.

De fait, Jonas quitte la ville et se contente d’observer si ce grand élan de repentance va porter ses fruits. Comme disait Jean-Baptiste dans sa prédication : « Produisez du fruit digne de la repentance ». Au fond, Jonas est plutôt partisan d’une pédagogie de la sanction et de sa vertu dissuasive à l’égard du péché, notamment celui des païens. C’est ce qui a justifié sa fuite.

Le refus du prophète d’aller dans le monde et pas seulement dans la communauté juive pour « l’avertir » en cas de dérive, comme le prescrit le livre d’Ezéchiel (33.7), ce refus, donc, va conduire Jonas à se repentir lui-même, à reconnaître sa dérobade devant la démarche divine et à demander, dès lors, … qu’on le jee à la mer , pour sauver le navire et ses passagers.

Ce « baptême » va le conduire, en quelque sorte, de la mort à la résurrection. C’est dans le ventre du poisson qu’il rend un beau témoignage du salut que Dieu lui accorde afin qu’il reprenne l’œuvre prévue par le Seigneur. Ce salut qu’il expérimente pour lui-même, est donc à la fois physique et moral : il sauve sa vie et accepte sa mission (voir Ezéchiel 33.8-9).

Mais l’histoire n’est pas terminée, car Jonas, s’il a obéi à Dieu, n’est toujours pas convaincu du bien-fondé de la méthode « douce » (4.1), à savoir la prédication morale dans un premier temps, bien qu’elle ait déjà porté des fruits : la repentance d’un peuple et la patience de Dieu découlant des regrets sincères. Méthode douce, qui est celle d’un père pour toute l’humanité. Il est vrai que cela ne suffira pas. Il faudra instruire le peuple du message biblique et ultérieurement de la « bonne nouvelle » mise en lumière par Jésus.

La miséricorde de Dieu exprime le fond de son être et prévaut sur sa rigueur, sans que celle-ci soit abolie. C’est ce qui apparaît dans l’histoire de Jonas où Dieu, dans la première partie, manifeste sa colère contre son serviteur et menace les Ninivites. Quel contraste avec la deuxième partie, où Dieu renonce à toute sanction contre les païens repentants, puis tolère et apaise la colère de son serviteur, et tâche de lui faire partager son point de vue par une parabole.

Dans cee ligne, nous retrouverons Jésus au coude à coude avec des gens peu recommandables lors du banquet offert par Matthieu-Lévi, le péager, quand il devient disciple (Matthieu 9.9-13 ; Luc 5.27-32). Jésus fréquente les gens « de mauvaise vie » pour les instruire, les guérir de leurs mauvais penchants, comme un médecin des esprits et des cœurs.

Et, en point d’orgue, les deux événements de Vendredi Saint et de Pâques, affirmés par Jésus comme les actes majeurs du salut de Dieu : libération du fardeau démoralisant des fautes, de la crainte du néant et de la solitude, libération dès lors de toutes les énergies créatrices de bienfaits et d’amitié.

Jean Charles