J’étais malade et vous m’avez visité

etoile-et-sapinHiver 1960. Une petite fille de 10 ans est alitée depuis 2 mois : en novembre, une grave maladie a failli lui coûter la vie. Chaque jour, une compagne de classe apporte les cahiers et les exercices à réaliser. Maman a promis qu’il n’y aurait pas de redoublement et s’est improvisée institutrice à domicile. Pendant les vacances de Noël, voilà qu’arrive une surprise : le pasteur et le cercle de jeunesse débarquent à la maison. Le pasteur raconte l’histoire de la petite étoile et du sapin que tout le monde a entendue à la fête du Noël au temple. Les jeunes de la paroisse restent groupés, un peu timides et gauches. Et puis, ils se mettent à chanter et la joie de Noël envahit la pièce… La petite fille écoute, s’émerveille : elle n’oubliera pas ce moment. Mais il y a encore beaucoup de chemin à parcourir avant la guérison. Les jours, les mois s’étirent, longs et monotones, entre les visites du médecin, les prises de sang, les devoirs, la lecture, les émissions de « radio Luxembourg »… La petite fille s’ennuie … Heureusement, il y a les belles parties de Monopoly avec Valdo et Gabrielle, ses amis, qui viennent souvent la voir le mercredi après-midi … On rit, on s’amuse, on oublie la maladie …

J’étais malade et vous m’avez visité …

Suite à un accident de travail, Ghislain se retrouve pour plusieurs mois à l’hôpital, les deux jambes brisées. C’est un homme en pleine force de l’ âge, dynamique, toujours en action. L’immobilité lui pèse. Chaque mardi, son ami Raymond vient passer une heure avec lui. Ils parlent de tout et de rien, des voitures, de mécanique, commentent le journal, les résultats de l’Olympic, du Sporting … ça « requinque » !

J’étais malade et vous m’avez visité …

Une « longue et pénible maladie », comme on dit aujourd’hui, amène Cornélis à l’hôpital. Une présence en continu à ses côtés serait bienvenue signalent les infirmières. Son épouse, qui doit poursuivre son activité professionnelle, lance un appel à la paroisse : il s’agit seulement d’être là, près du malade, de veiller à son confort, lui sourire, lui dire quelques mots …Une chaîne de volontaires se constitue rapidement pour lui tenir compagnie en journée. Les infirmières sont stupéfaites : elles n’ont jamais vu ça !

J’étais malade et vous m’avez visité …

point d'interrogation,vecteurQu’en dit la Bible ? Comme d’habitude, cheminons de la loi de Moïse à celle de Jésus, la loi d’amour.

Le 4ème commandement (selon le classement des réformés, orthodoxes et juifs, le 3ème pour les luthériens et catholiques) : « Tu travailleras 6 jours …, car Dieu a créé le monde en 6 jours… » (Exode 20.9, 11) nous montre que Dieu donne l’exemple à sa créature en accomplissant lui-même ce qu’il prescrit. Lévitique 19.2 également transmet cette exhortation de la part de l’Éternel : « Soyez saints, car je suis saint … »

La tradition juive illustre ce point de vue en disant : « Le roi (Dieu) a une suite : quel est le devoir de sa suite ? Imiter le roi. » (Le talmud, par A. Cohen, Payot 1982, p.267) Mais plus encore, la doctrine de l’imitation de Dieu met en évidence la parenté entre l’homme et Dieu. Celle-ci apparaît notamment dans le rapprochement entre les 2 versets suivants : « Lorsque Dieu créa l’homme, il le fit à la ressemblance de Dieu » (Genèse 5.1) et « Adam engendra un fils à sa ressemblance, selon son image » (Genèse 5.3), qui fait de Dieu un père. Si Dieu, en bon éducateur et père, donne l’exemple, il s’ensuit que les qualités évidentes en lui sont celles qui devraient occuper la première place dans la conduite humaine.

Qu’en est-il de la visite aux malades ? Le Seigneur l’a-t-il pratiquée lui-même ?

C’est le cas dans Genèse 18.1-3 : « L’Eternel lui (Abraham) apparut parmi les chênes de Mamré, comme il était assis à l’entrée de sa tente, pendant la chaleur du jour. Il leva les yeux et regarda : et voici, trois hommes étaient debout près de lui. Quand il les vit, il courut au-devant d’eux, depuis l’entrée de sa tente, et se prosterna en terre. Et il dit : Seigneur, si j’ai trouvé grâce à tes yeux, ne passe point, je te prie, loin de ton serviteur. » On peut se poser la question : En quoi est-ce une visite à un malade ? Les versets qui précèdent racontent la circoncision d’Abraham, pratiquée à l’âge de 99 ans. Il est donc convalescent.

Ajoutons une illustration talmudique sur le sujet. Un des disciples du rabbi Akiba (mort en 132) étant tombé malade, aucun des sages ne vint le voir. Le rabbi Akiba vint seul, et comme il balayait la chambre et arrosait le sol, le patient lui dit : « Vous m’avez rendu la vie. » (Le talmud par A. Cohen, chez Payot, 1982, p.283)

Ceci nous amène aux guérisons de malades opérées par Jésus et à son sermon sur le jugement des nations dont est extrait notre titre. Ce jugement s’exerce sur base d’un critère unique : la bonté. Celle-ci est perçue comme un fruit de l’Esprit (Galates 5.22), qui agit à travers l’Ecriture et la prière.

Petite remarque sur notre titre. Il est composé de 2 verbes: le premier, traduit par « j’étais malade », vient d’un mot grec qui a donné en français « asthénie » et peut donc signifier « être faible ». Le second signifie également « porter secours à », d’où la traduction en français courant « vous avez pris soin de moi ».

Jésus guérissait le corps et l’esprit, par le truchement de sa Parole, de la même façon que David soula- geait l’angoisse du roi Saül par sa musique inspirée.

Dans le Nouveau Testament, Jésus est identifié à Dieu, c’est dire qu’il donne l’exemple de la volonté divine. Par son sermon de Matthieu 25, Jésus s’identifie également à l’humanité souffrante, renforçant la motivation des croyants à pratiquer la bonté : « Toutes les fois que vous avez fait ces choses à l’un des plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les avez faites » (Matthieu 25,40).

Pas besoin de grandes compétences. Chacun peut agir à son niveau. Etre là, simplement, pour l’autre, l’écouter exprimer sa souffrance, sa crainte, sa révolte, son espoir … Lui dire « je suis avec toi », lui offrir le réconfort d’une présence bienveillante, chaleureuse et empathique … Partager notre espérance …

« La compassion et l’entraide sont pour toi une nécessité intérieure. Comparé à la grandeur de la tâche, le peu que tu peux faire n’est qu’une goutte d’eau, et non un torrent ; mais c’est ce qui donne à ta vie son seul sens valable et son prix. Où que tu sois et autant que cela dépend de toi, ta présence doit apporter une délivrance … Le peu que tu puisses faire est déjà beaucoup, si tu réussis à délivrer un être – homme ou créature quelconque – de sa souffrance, de son mal ou de sa peur. » A. Schweitzer – Sermon sur les problèmes d’éthique et le Respect de la vie, prononcé à Strasbourg le 23 février 1919.

Le « travail » ne manque pas : il suffit d’ouvrir les yeux, de regarder autour de soi …

En route pour une année fraternelle d’attention à l’autre, mon prochain, ami de longue date ou nouveau venu sur mon chemin.

Bonne année à tous !

Jean et Marie-Paule CHARLES