Pêcheurs d’étoiles

Lapin de PâquesLes magasins, jamais en retard d‘une guerre, lâchent dans les rayons une faune bien sympathique de poules marrantes, moineaux guillerets, lapins ahuris ou innocents. Du jaune sur toute la ligne, puisque la mode pascale le veut. Des œufs en tous genres, comestibles ou non, des fleurs. La fête quoi !
On ne va pas bouder son plaisir et comme la nature se réveille doucement, une atmosphère joyeuse se développe, même les jours de ciel gris. On sent qu’on va vers le printemps et les privilégiés qui ont accès à un terrain commencent à éprouver le « syndrome du jardinier », sorte de démangeaison qui pousse à sortir avec toutes sortes d’outils pour traquer les « indésirables », soyons polis envers les ex-mauvaises herbes.

Pâques.
Du jaune, des fleurs, des gâteries…
Pourquoi ?
Y a-t-il des raisons de pavoiser et de se réjouir en ce monde ? Dans le flot constant des mauvaises nouvelles véhiculées par les médias et internet, il faut une sérieuse dose de résistance morale, d’optimisme, de courage, d’inconscience et de… foi pour espérer un progrès moral de l’humain.
Que signifie « résurrection » dans ce monde tourmenté ? Juste masquer de jaune la noirceur de la violence, de l’intolérance, du pouvoir de l’argent sale, de l’immoralité, de la fourberie, de tous les manques possibles ?
Les fleurs. Juste des couronnes mortuaires, sur les tombes des désillusions, des mensonges, des tromperies, des solitudes, des désespoirs, des égoïsmes ?
Et les douceurs pour faire passer toutes ces pilules amères, toutes ces potions mortifères du rejet de l’autre, du différent, du pauvre, du « né du mauvais côté du monde, de la barrière, de la couleur, de la religion, du sexe… ? »

CampanulesQuand je pense Pâques, je pense à ces campanules qui s’obstinent à pousser dans les moindres interstices des murailles. Elles subsistent, frugales, résistant aux sécheresses, aux gelées, aux orages.

Pâques, résurrection…
On peut se disputer sur : résurrection corporelle ou spirituelle, sur mythe ou réalité, sur rêve ou rencontre…
On n’est pas près de faire l’unanimité, mais l’important n’est pas là, me semble-t-il.
Quel impact a cette résurrection, ce renouveau, cette sortie de la mort vers la vie, sur notre foi, sur notre vie, sur notre comportement ?
Est-il possible, après la rencontre avec le Christ vivant encore aujourd’hui, de faire comme si cela ne changeait rien ? Ce n’est pas une visite à une sorte de Saint Nicolas nous gratifiant d’un bonbon et nous demandant d’être bien sages, de marcher en rangs par deux, de chanter (juste) des cantiques aseptisés, de mettre (généreusement) dans la bourse de la collecte… Pas inutile, tout ça, mais un peu trop facile.
Peut-être justement, cette rencontre vivante va-t-elle nous pousser à prendre le risque de positions à contre-courant, d’actions mal comprises, de combats difficiles en faisant de nous des sortes de pêcheurs d’étoiles, de fous de la sagesse de Dieu qui est insensée aux yeux des hommes…
Résurrection, fil de chaîne, sur le métier à tisser de nos années, qui nous permet d’y passer la trame colorée de notre vie transformée par la rencontre du Vivant.

Yvette Vanescote